Une hirondelle qui, par la magie du poète, grand maître de la manipulation des proverbes, fait l’automne en partant, un petit bout de cœur qui bat la breloque, un bouquet d’immortelles qu’on arrose de ses pleurs… c’est la lanterne magique de Brassens pour nous faire visiter son petit monde imaginaire. En l’entendant chanter, vous y êtes. Fermez les yeux. L’histoire, vous ne ferez pas que l’entendre, vous la verrez.
Nous autres mortels nous savons que le temps, ce « barbare dans le genre d’Attila » (Les lilas), finit toujours par détruire l’amour, et il plait à Brassens de symboliser la destruction du couple par l’arrivée de « gros nuages lourds » (Les amoureux des bancs publics) « porteurs de chagrins » (Brave Margot). Ce premier jour d’automne, au fond, c’est un peu la même idée.
Se foutre du temps, de l’amour qui finit mal, c’est dur, c’est fort. C’est une révolte, c’est la révolte première de Brassens. Une révolte qui coûte cher.
Le prix à payer, il est dans le dernier vers « Et c’est triste de n’être plus triste sans vous » qu’on cite souvent comme l’un des plus beaux de son auteur. A juste titre. Mais là, comme bien souvent, Brassens poète masque Brassens musicien. Surprise du chef ! Après avoir déroulé cette excellente mélodie (plus visiblement swingante que d’autres), il décale d’un ton ! Ça, c’est du Brassens pur jus. Pour donner de l’emphase il n’élève jamais la voix. Il décale. Par toute sorte de moyens. La tonalité, parfois, comme ici. Plus souvent à l’interprétation, en attaquant le mot chanté un poil « trop » tard (technique de chanteur de blues). Comme ici, en particulier, pour « sans vous ».
Nous voici arrivés à la fameuse date susdite. Ecoutez Brassens la chanter, c’est le moment. Il se peut bien alors que l’equinoxe soit un peu moins funeste… pour vous.